
Présentation des deux dernières éditions en mémoire de la disparition de Robert Desnos
Mercredi 18 juin 2025
À l’occasion du 80e anniversaire de la mort de Robert Desnos, la librairie L’Écume des Pages, située boulevard Saint-Germain, a accueilli mercredi 18 juin une soirée exceptionnelle en hommage au poète. Organisée avec le concours de l’Association des Amis de Robert Desnos, cette soirée a permis de redécouvrir deux œuvres du poète : The Night of loveless nights, son plus long poème illustré par Georges Malkine, réédité en fac-similé (Éditions Des Cendres) et sa poésie de l’enfance, (et de l’âge adulte) toujours vive, drôle, engagée et libre dans une nouvelle édition des Chantefables et Chantefleurs, avc les dessins d’Henri Galeron (Éditions Gründ).
Une redécouverte précieuse : The Night of loveless nights
Présentée par Marie-Claire Dumas et Damiano De Pieri, cette réédition fac-similé légèrement réduit (33 x 25 cm, réduction à 70%) est fondée sur l’exemplaire que Desnos avait dédicacé en 1930 à son ami le peintre Georges Malkine. Cette dédicace – « À mon cher Georges, ce livre dont il connaît l’histoire. Très affectueusement »– témoigne d’une profonde amitié artistique et personnelle.
L’édition originale, parue à Anvers en 1930 après une première rédaction en 1927, s’inscrit dans l’effervescence créative de la rue Blomet, haut lieu de rencontres artistiques et intellectuelles. Dans une postface documentée et sensible, Damiano De Pieri restitue cette atmosphère unique, faite de croisements, d’amitiés, de fêtes et d’inspirations multiples. Il dévoile en détail « l’histoire » de l’écriture de ce poème. Lors de la présentation, il a également partagé quelques anecdotes cocasses sur la vie quotidienne des artistes de la rue Blomet.
Marc Kopylov, pour les Éditions Des Cendres, a évoqué avec passion les étapes de cette réédition minutieuse et de grande qualité, qui permet aussi de découvrir pour la première fois une illustration inédite de Georges Malkine, ouvrant le poème comme une énigme visuelle.
Les Chantefables et Chantefleurs revisités par Henri Galeron
La seconde partie de la soirée fut consacrée à la nouvelle édition des Chantefables et Chantefleurs, publiée chez Gründ. Chantal Janisson, présidente de l’Association des Amis de Robert Desnos et éditrice du volume, en a retracé la genèse éditoriale, avant de céder la parole à Henri Galeron, illustrateur de cette publication.
Séduit par l’univers poétique de Desnos, Galeron confia être tombé « amoureux » de tant de poèmes qu’il élargit considérablement son travail initial. Il présenta plusieurs esquisses issues de ses carnets de croquis, que le public a pu comparer aux illustrations finales : un moment rare et émouvant. Les chantefables et les chantefleurs se croisent et se suivent au lieu d’être imprimées l’une après l’autre. De nouvelles perspectives s’ouvrent et fleurissent.
Certaines illustrations, en double page, révèlent les niveaux de lecture que recèle la poésie de Desnos. Dans « La Fourmi », par exemple, une locomotive (aussi nommée fourmi car produite à Fourmies) tirée en tous sens par des fourmis semble aller bon train ; la première fourmi arbore un chapeau. « Et pourquoi pas ? » incite à interroger le double message de Desnos, fidèle à l’esprit d’enfance et de liberté du poète.
La publication du poème L’Alligator mérite une mention particulière puisqu’il avait été retiré de la précédente édition. L’éditeur précise dans une note que ce texte, parfois mal interprété, ne reflète aucun préjugé racial, mais rappelle au contraire la profonde amitié entre Desnos et le poète guyanais Léon Gontran Damas.

Un hommage vivant et sensible
La soirée s’est conclue sur une séance de dédicaces, au cours de laquelle Henri Galeron, avec une générosité rare, a esquissé un dessin unique dans chaque exemplaire. Son humour délicat et son esprit créatif ont enchanté un public attentif et nombreux. Ces deux ouvrages viennent rappeler la richesse et la modernité de l’œuvre de Desnos. À travers ces rééditions exigeantes, c’est toute la diversité de la poésie française du vingtième siècle qui est présentée et qui mérite toujours d’être relue, tant son actualité est vibrante.
Marie-Claire Dumas, infatigable passeuse de l’œuvre de Desnos, bien qu’elle n’ait pu être présente à cette soirée, était certainement dans l’esprit de tous : son engagement et son sens du partage ont inspiré intervenants et auditeurs.
Isabelle Lorenz
Site de L’Écume des Pages