Silvia Ferrari

« Les mots malgré tout nous restent comme seule arme » :

la mosaïque d’une éthique et d’une esthétique du bonheur dans la correspondance de Robert Desnos

 

Avant de se pencher sur les passages des lettres les plus emblématiques dans notre perspective, nous citerons deux aphorismes des années 1922-23 qui esquissent déjà, dans leur ton gouailleur et insouciant, la détermination libertaire – ce qui semble un oxymore – qui habite Desnos, pendant sa vie, et ce jusqu’au bout :

Rrose Sélavy sait bien que le démon du remords ne peut mordre le monde[1].

Morts férus de morale, votre tribu attend-elle toujours un tribunal?[2]

La cadence de proverbe que le rythme confère à ces aphorismes poétiques, selon la définition de Michel Leiris, en renforce l’aspect subversif : l’obstination du remords est brisée par un jeu de mots qui semble matérialiser, par l’effet d’écho et de chiasme (mon-mor-mor-mon), la pensée obsédante qui paralyse celui qui est en proie aux remords. Les sonorités évoquées ici exorcisent, d’une certaine manière, l’aller-retour d’une pensée qui revient sans cesse sur elle-même. Le deuxième aphorisme se moque des bien-pensants, prêts souvent à condamner, mais rarement à donner le bon exemple. En particulier, il est possible de voir en contrepoint, dans le premier aphorisme, le calembour de la préface des Nouvelles Histoires extraordinaires : « nous sommes tous nés marquis pour le mal ! ».

Relisant son texte sur épreuves, datées du 26 janvier 1857 et qui donnaient «marqués pour le mal», Baudelaire corrige marqué en marquis. […] Mais Sade voyait la volupté dans le crime, il y créait son érotisme, alors que Baudelaire voit le mal dans la volupté, dans le plaisir, dans l’amour même, comme il voit le mal partout[3].

D’ailleurs, dans Pensée et aphorismes, le 26 août 1851, Baudelaire note ceci : « si l’idée de la Vertu et de l’Amour universel n’est pas mêlée à tous nos plaisirs, tous nos plaisirs deviendront tortures et remords »[4].  En 1862 il avoue : «Au moral comme au physique, j’ai toujours eu la sensation du gouffre, non seulement [la] du gouffre du sommeil, mais du gouffre de l’action, du rêve, du souvenir, du désir, du regret, du remord, du beau, [&] du nombre, etc. ….»[5] . Le thème du remords se fait aussi jour, chez Baudelaire, dans les poèmes « Les petites vieilles » et « Remords posthume », dont la clôture est emblématique:  « ‒ Et le ver rongera ta peau comme un remords »[6]

Revenant à Desnos, nous sommes face, à ce stade pré-surréaliste, à deux traits qui caractériseront à la fois la conduite et la poétique du poète : l’exaltation de la joie de vivre et l’anticonformisme. Ces deux facettes se traduisent toujours par un élan de liberté. C’est dans cette optique qu’il faut lire les allusions d’abord à Dada, dans les lettres adressées à Georges Gautré datant de 1920-1921 (écrites pendant le service militaire à Chaumont, puis au Maroc), ensuite à Marcel Duchamp (le 23 février 1923) et au marquis de Sade (le 28 mars 1923) au fil de la correspondance avec Jean Carrive en 1923 :

Chaumont ce vendredi [1920]

Mon cher Georges,
C’est d’un lit d’hôpital et d’une main confraternelle que je t’écris ces lignes. Sache que j’ai contracté non un engagement volontaire mais les oreillons lesquels ont provoqué une orchite. Comme tu vois c’est très charmant. Mais parlons d’autre chose. […]
Tu parles de mes poèmes : je suis de plus en plus révolutionnaire. Je suis en rapport avec les chefs de Dada. J’en suis et ne suis pas que cela. Dada c’est la révolution totale: le bolchevisme en littérature d’où partira quelque chose de neuf. Cela ne supprime pas le passé, mais le remet en place. Et puis Dada c’est le rire et le rire est le propre de l’homme. […]
Vois un exemplaire de mes productions peu révolutionnaires vraiment :
[…]
Quand je sortis il faisait nuit
Une femme fardée m’accosta
Meurent les porte-lyre
Le rimeur Jean Aicard
Ouvre la bouche en tirelire
SI VOUS VOULEZ DU CHOCOLAT
METTEZ DEUX SOUS DANS L’APPAREIL.

J’espère que tu admireras comme il convient la disposition qui consiste à mettre le titre à la fin du poème. […]

Des deux mains ton ami
Robert Desnos

Hôpital Mixte
Pavillon Maillot
Chaumont H. M. [7]

L’enthousiasme pour la révolution de Dada marque cette lettre, qui représente aussi une sorte de mode d’emploi par rapport au recueil de poèmes Prospectus (1919), inspiré des slogans et des panneaux qui déferlent dans le Paris du début du siècle. La missive qui suit, datant de février 1923, témoigne en revanche d’un dépassement des positions dadaïstes :

Pour Dada c’est un petit vieux. Nous cheminons maintenant dans une sorte de désert ignoré des cartes. La pureté des banquises s’y allie à la solennelle chaleur des Saharas. Pour les forêts, la mer, les villes, les montagnes de beaux mirages aussi tangibles que la réalité nous en tiennent lieu. […]
J’attache la plus grande importance à Marcel Duchamp.
Pour écrire : ne pas avoir un liard d’ambition littéraire, soyez aussi de bonne volonté. Vous savez bien que la mystification n’existe pas et que seul le mystificateur en est la victime. […]
Écrire sous la dictée d’une voix des phrases qui apparaissent spontanément, toutes prêtes et parfaitement équilibrées ou des mots sans suite hachés incohérents en apparence. C’est un renouvellement de l’inspiration.
On peut aussi procéder de la façon suivante :
Écrire pendant dix minutes tout ce qui se présente à l’esprit sans que celui-ci n’ait le temps de raisonner ni de critiquer
Nous devons beaucoup à Freud.
Essayez voir un peu [...][8].

Non seulement le poète renseigne son interlocuteur sur les méthodes d’écriture automatique, mais il défige les formules figées dans ses missives aussi, mettant en pratique sa profession d’anti-académisme. Dans une missive de mars 1923 se trouve une allusion à Sade, sur lequel nous reviendrons :

J’aime par-dessus tout le marquis de Sade [...][9]

L’importance du sentiment de l’amour émerge dans une lettre que Desnos écrit, le 1er mai 1923, au jeune Pierre Picon, adolescent âgé de 16 ans, lorsque son ami Jean Carrive l’introduit dans le cercle des correspondants desnosiens. Après avoir cité ses derniers écrits, en partie seulement publiés de son vivant, qui sont frappés par la censure pour leur anticonformisme (Pénalités de l’enfer, Rrose Sélavy, L’Aumonyme), il confie ceci :

Dans la vie deux choses comptent seulement : l’amour sous toutes ses formes, sans restriction, en liberté et le sens de l’infini, de l'éternité sans lequel on n’est qu’un pauvre bougre. Il faut se foutre du passé humain, se foutre du futur humain, se foutre du présent humain. La civilisation est affaire d’individualité et doit se faire verticalement vers l’infini non à fleur de terre le long des siècles comme la gloire cette saloperie [10].

Dans la lettre à Jean Carrive du 2 mai 1923, Desnos fait allusion à son anthologie sur l’érotisme en littérature, écrit à l’intention du mécène Jacques Doucet (paru en 1953, chez Nadaud, sous le titre De l’érotisme considéré dans ses manifestations écrites et du point de vue de l’esprit moderne et, repris en 1975 dans Nouvelles Hébrides). La recherche d’un éditeur pour Nouvelles Hébrides hante l’écrivain si, ainsi que le suggère le Cahier L’Étoile de mer n.s. n. 9, le sigle NH qui apparaît à la proue d’un navire ébauché par l’auteur doit s’interpréter comme une référence aux initiales du titre[11]. La lettre contient un autoportrait où la signature semble sortir des lèvres et se superposer au visage représenté.

Dans la lettre à Jean Carrive du 10 juillet 1923, Desnos relate l’évènement qui opposa les dadaïstes aux futurs surréalistes : pendant la représentation de la pièce de Tzara Le Cœur à gaz, le 6 juillet, une dispute entre Tzara et Breton dégénéra en bagarre et passa à la postérité comme « La soirée du Cœur à barbe » :

Vendredi nous nous sommes battus au théâtre Michel contre Tzara, de Massot, etc... etc… Ce fut une victoire, nette et décisive, qui nous permettra sans doute enfin de faire autre chose. Enfin ce fut épique[12].

Au mois d’août, Desnos envoie une lettre à son mécène Jacques Doucet pour lui expliquer et résumer le projet de l’ouvrage De l’érotisme, commandé par le couturier :

Paris,

Monsieur,
Voici ce que j’ai tenté de faire.
L’érotisme n’a jamais été étudié en France du point de vue des productions littéraires et dans l’ensemble. Seul Guillaume Apollinaire s’est occupé réellement de cette question importante. Je me suis trouvé sans plan préalable, sans document sauf L’Enfer (de Guillaume Apollinaire) et le catalogue de Poulet-Malassis qui s’arrête au XIXe siècle. J’ai donc été forcé de choisir les plus importants ouvrages de façon à établir une sorte de plan. J’ai choisi en quelque sorte le Marquis de Sade comme centre. […] Je crois en effet que ces œuvres maudites, considérées d’un point de vue élevé, participent de l’esprit moderne et des tendances actuelles.
Je vous prie de croire, Monsieur, à mon respectueux dévouement,
Robert Desnos [13]

Dans son essai introductif, Desnos part d’une critique adressée aux moralistes (« c’est une hypocrisie habituelle à ceux qui écrivent sur l’érotisme que de déclamer d’abord contre lui au nom de la morale[14] ») et prend ses distances par rapport à la définition du vocabulaire Larousse qui, à l’époque, à l’entrée « érotisme » tranchait la question de la manière suivante: « amour maladif[15]». L’écrivain, ne partageant pas cette conviction, convaincu que « les mots sont plus malléables que la cire[16] », forge une nouvelle définition de l’érotisme: « tout ce qui se rapporte à l’amour pour l’évoquer, le provoquer, l’exprimer, le satisfaire, etc.[17]», réhabilitant ainsi la littérature érotique :

L’érotique est une science individuelle. […] Le langage érotique, s’il est nombreux, est aussi le plus relatif. […] En dehors de la psychanalyse et moins qu’en tout autre, il n’est pas mensonge possible en littérature érotique. Dans ce miroir spirituel, l’auteur ne dépose jamais qu’une exacte image de lui-même. […] Tout ce que nous pouvons écrire est une combinaison de notre esprit et de nos sens. Si nous comptons attentivement ces derniers, nos doigts n’y suffiront pas. Quel numéro donner à la faculté cérébrale qui nous permet de faire fonctionner les cinq ou six premiers en dehors de toute cause matérielle ? Ainsi en est-il de l’érotisme cérébral, le plus élevé de tous, qui tombe sous les sens et obéit à notre sensualité[18].

Le lien entre éros et liberté, consacré par le titre du roman onirique La Liberté ou l’amour! de 1927 est déjà esquissé dans l’essai De l’érotisme : « L’érotisme appartient en propre à l’esprit moderne. Confondu jadis avec le libertinage, il ne s’est dégagé en France qu’aux approches de la révolution romantique dont il fut l’un des précurseurs[19]».

Il fait l’éloge de la traduction du Satyricon de Pétrone en français contemporain, proposée par Laurent Tailhade, poète auquel il consacre certains vers du recueil Prospectus et fait référence à la conduite d’écrivains condamnés pour leurs écrits licencieux, tel que Sade–« il fut, plus que probablement, la cause de la prise de la Bastille »[20] remarque Desnos en se souvenant de l’esprit révolutionnaire du marquis, qui de sa cellule à la Bastille incitait à l’assaut de la prison, symbole de la monarchie – ou encore le vénitien Baffo (Venise, 1694-1768). Aristocrate, membre de la suprême cour de justice de Venise, il fustigea l’hypocrisie du clergé et de l’élite de Gênes, coupable d’avoir mis à mort l’intellectuel Jacopo Bonfadio, accusé de sodomie, mais en réalité condamné à la décapitation à la suite d’un impitoyable règlement de compte. L’auteur mentionne également Giorgio Baffo en tant que représentant de la liberté de parole dans les Réflexions sur la poésie (rédigées en janvier 1944) et dans les Notes à Calixto (écrites en marge du recueil achevé en septembre 1943).  Sade occupe une place privilégiée :

C’est qu’en effet l’œuvre du marquis de Sade est la première manifestation philosophique et imagée de l’esprit moderne. […] Moraliste, Sade l’est plus que tout autre. Tous ses héros sont hantés par le désir d’accorder leur vie extérieure et leur vie intérieure, tous ont des idées arrêtées sur l’amour et l'enchaînement des faits. […] Tandis que tous ses prédécesseurs en littérature érotique avaient vu « la chose » avec un sourire goguenard, un scepticisme exaspérant ou une grossièreté repoussante, Sade considère l’amour et ses actes du point de vue de l’infini; nul sourire dans son œuvre, mais parfois un tragique ricanement qui fait penser aux rires tragiques des maudits romantiques[21].

Ce qui pousse les artistes gravitant autour de la revue Littérature à tirer Sade hors de sa damnatio memoriae est justement la place qu’il accorde à l’amour et son approche, teintée de scepticisme, du sujet, avec une liberté d’esprit inouïe à son époque. C’est pourquoi Man Ray, qui s’intéresse lui aussi, dès les années vingt, aux écrits du marquis, se lance dans la réalisation d’un portrait imaginaire s’appuyant sur la documentation acquise : le Portrait imaginaire de D.A.F. de Sade (1938), où une silhouette en pierre de l’écrivain occupe presque la totalité du tableau, tandis qu’à l’arrière-plan les flammes enveloppent la Bastille. Le bloc granitique assemblant le visage de profil et une sorte de montagne en briques, gravé en lettres capitales du nom de Sade, semble symboliser sa capacité à maintenir la foi dans la liberté, en dépit des murailles des prisons où il fut reclus.

Dans une lettre de l’automne de la même année, Jean Carrive mentionne les poèmes de Desnos parus dans Littérature, n. s. n.° 11-12, 15 octobre 1923 : des poèmes à l’empreinte déjà surréaliste qui conflueront dans les recueils Langage cuit et C’est les bottes de 7 lieues, cette phrase : « Je me vois ». Il se livre ensuite à cette considération sur la technique cinématographique :

À propos du cinéma, il y a quelque chose de très curieux et dont je crois on pourrait attendre beaucoup. C’est le cinéma au ralenti. Croyez pas ? Une simple course de chevaux passée au ralenti est angoissante et risible. Cette déformation lente des corps, cette irréalité dans un décor réel, le silence qui naît de l’ensemble sont extraordinaires. Image de vie expirante, de désolation [22].

La passion pour le cinéma est au cœur de la vie et de l’esthétique de Desnos. Ainsi que le remarque Anne Egger dans sa biographie de l’écrivain, c’est la découverte du cinéma, de la nuit artificielle, qui chez lui précède l’écriture[23]. D’ailleurs la plupart de ses articles de critique cinématographique ont un caractère social et certaines séquences de ses romans oniriques rappellent des photogrammes en mouvement. C’est le cas de ce passage de La Liberté ou l’amour!, où le récit progresse à l’unisson des échos sonores, dans ce roman surréaliste où la présence de Paris est la plus connotée sur un plan métalittéraire d’après Kiyoko Ishikawa :

Chez Desnos, Paris n’est point descriptif ; c’est un dépôt de signes – noms de rues, de monuments, de places, affiches, statues – destinés à [se] transformer sur le plan linguistique et sémantique. […] La rue des Pyramides faisant penser au désert, la ville nocturne devient déserte. […] Louise Lame, celle que poursuit le narrateur [i.e.] le Corsaire, marche devant lui vers la Place de l’Etoile comme les étoiles guident les navires, […] Louise Lame se déshabille et laisse tomber un à un ses vêtements pour ne porter que son manteau de léopard. Le narrateur se trouve alors à la Porte Maillot ; le nom se transposerait en maillot, vêtement qui colle au corps nu. […] C’est tout d’abord l’inconstance mouvante qui caractérise le texte[24].

La vitesse du temps qui s’écoule n’est pas sans rappeler une sorte de memento mori baroque, mais agrémenté d’un ton grotesque, dans plusieurs poèmes et dans ces lignes de la première page du roman Deuil pour deuil, daté de 1924 : «J’ai vu de loin s’avancer les belles millionnaires avec leur caravane de chameaux galonnés porteurs d’or. Je les ai attendues, impassible et tourmenté. Avant même de m’atteindre, elles se transformèrent en petites vieilles poussiéreuses et les chameliers en ganaches[25]». Ces métamorphoses dynamiques créent l’impression d’une prise de vue cinématographique au ralenti, de même que cette image, également tirée de Deuil pour deuil : « Et durant ce temps, le soleil déformé prend la forme d’un sablier et se retourne[26]».

Dans un compte-rendu sur le septième art où il cite Man Ray, après avoir coopéré avec lui à la réalisation du film L’étoile de mer, Desnos, fait cette prophétie :

Lorsqu’il arrivera à Paris en 1920, Man Ray est déjà susceptible de mettre en échec la peinture et de nous donner ces étonnantes photographies où, à travers les plaques gélatineuses, le papier bromure et les traitements chimiques, l’âme humaine est comme recréée. Un temps viendra où les collections s’enrichiront de ces formidables portraits et de ces émouvants témoignages de la victoire d’un homme sur la mécanique[27].

Le sentiment de la liberté se traduit donc aussi comme une indépendance vis-à-vis de la technique, des rythmes et des slogans du capitalisme montant et des conventions bourgeoises. C’est pourquoi les héroïnes de ses romans sont audacieuses, et bien loin du modèle imposé par les codes machistes bien-pensants, partagés par ailleurs par le chef de file des surréalistes, André Breton.

Dans l’œuvre du poète, la hantise de la mort alterne avec des proclamations de foi en l’éternité. Dans l’article paru dans La Révolution surréaliste en janvier 1925, « La muraille de chêne », Desnos esquisse son concept de « réalité » surréaliste :

La mort de l’esprit est un non-sens. Je vis dans l’éternité en dépit du ridicule d’une semblable déclaration. Je crois vivre, donc je suis éternel. Le passé et le futur servent la matière. La vie spirituelle, comme l’éternité, se conjugue au présent.
Si la mort me touche, ce n’est pas en ce qui concerne ma pensée, mon esprit, que ne saurait voiturer le plus beau corbillard, mais les sens. Je n’imagine pas d’amour sans que le goût de la mort, dépourvue d’ailleurs de toute sentimentalité et de toute tristesse, y soit mêlé. Merveilleuses satisfactions de la vue et du toucher, perfection des jouissances, c’est par votre entremise que ma pensée peut entrer en relation avec la mort. […] Le caractère fugitif de l’amour est aussi celui de la mort[28].

La notion d’éternité flotte aussi sur la notice liminaire des Trois livres de Prophéties (datés des 29 et 30 juillet 1925), cahiers publiés posthumes en 1985 (dans Pleine marge, n. 2, décembre 1985) :

Notice

Croire en l’Éternité, d’abord en l’Éternité.

J’ai décidé d’obéir au souffle poétique. Il est venu [...][29]

Dans le poème « Faire part », dans le recueil C’est les bottes de 7 lieues cette phrase: « Je me vois » (1926)[30], le Je lyrique est aussi le destinataire d’une missive de la part de la Mort, par le biais de la prosopopée suivante :

FAIRE PART

Sur le pont du navire la couturière fait le point
couturière taille-moi un grand paon de mercure
je fais ce soir ma dernière communion
La dernière hirondelle fait l’automne
D’entre les becs de gaz blêmes
Se lève une figure sans signification.
Statues de verre flacon simulacre de l’amour
Vient la fameuse dame
Facteur de soustraction
avec une lettre pour moi
Mon cher Desnos Mon cher Desnos
Je vous donne rendez-vous
dans quelques jours
On vous préviendra
Vous mettrez votre habit d’outre monde
Et tout le monde sera bien content[31].

Dans ce texte, qui selon la pénétrante analyse de l’essai de Marie-Claire Dumas, Robert Desnos ou l’exploration des limites[32] joue sur l’homophonie et sur le défigement, on peut saisir aussi une référence à l’alchimie dans la mention du mercure – agent de transformation fondamental pour l’alchimiste ; d’après la mythologie grecque, Hermès, le dieu psychopompe source du Mercure romain, est justement le medium entre hommes et dieux, entre la vie et l’autre monde. Le lexème « facteur », en particulier, par antanaclase assume deux significations : c’est à la fois le facteur qui apporte la missive et un élément mathématique. L’ambiguïté de l’ensemble se prolonge jusqu’au bout et encore au-delà, vu que l’auteur transforme le syntagme nominal « outre-tombe » en « outre-monde », jetant un véritable pont vers l’éternité.

Dans le roman déjà cité, La Liberté ou l’amour !, le poète va jusqu’à abolir le temps du choix :

L’éternité, voilà le théâtre somptueux où la liberté et l’amour se heurtent pour ma possession. L’éternité, comme une immense coquille d’œuf m’entoure de tous côtés […] Je ne saurais choisir, sinon que demeurer ici sous la coupole translucide de l’éternité[33].

Tu n’es pas la passante, mais celle qui demeure. La notion d’éternité est liée à mon amour pour toi[34].

Chez Desnos, en dépit du titre du roman il n’y a pas de disjonction, pas d’opposition entre liberté et amour. C’est ce dernier, au contraire, qui rend éternel l’être aimé, et c’est ce sentiment d’éternité qui fait percevoir à l’homme toute sa liberté. Bien qu’il n’y ait pas de documents attestant sa connaissance de la part de Desnos, nous trouvons des résonances dans l’Éthique du philosophe Spinoza (appelé aussi « le philosophe de l’amour » par Chantal Jaquet[35]) qui relie justement la liberté humaine à la capacité pour l’homme de saisir son appartenance à la substance éternelle.

Le sens de l’infini pour Desnos signifie toujours la joie du partage et l’appel à la dignité de l’homme, une valeur qui trouve dans la liberté sa condition préalable. En 1931, Desnos écrit à son ami Armand Salacrou[36] pour lui présenter les publicités radiophoniques de ses produits et son recueil de poèmes Les sans cou :  la publication, avec deux eaux fortes d’André Masson (mai 1934) a reçu sur l’appui financier de Salacrou. Il s’agit d’un cycle de seize poèmes (sans doute rédigés deux années auparavant) qui décline dans une perspective sociale le thème surréaliste de l’acéphale : ses sans-cou seraient les gens vivant en marge de la société.

La correspondance entre Desnos et les Milhaud pendant les années trente témoigne d’un lien d’amitié et d’une entente artistique : au fil des échanges il est question notamment de la composition de la Cantate pour l’inauguration du Musée de l’Homme, une sorte d’hymne à la dignité et à la solidarité humaines, qui fait allusion aux quatre éléments de l’alchimie, mis en musique par Darius Milhaud en vue de l’ouverture du musée le 21 juin 1938. Une missive de Desnos aux Milhaud accompagne la Géométrie de Daniel de 1939, un album de dessins et de poèmes enfantins adressé à l’enfant du couple. Dans les deux cas, c’est l’exaltation de la joie de vivre qui émerge, tout comme la présence éthique toujours cohérente et sous-jacente. On le vérifie sans cesse dans les correspondances de Desnos. Le 18 février 1940, le sergent Desnos écrit à Gaston Criel :

Sergent Desnos
aux armées F.M.
Gaston Criel
C.I.S.F. 2ème Cie
Secteur Postal 193

18 février 1940

J’attendais votre livre pour vous écrire et il ne m’est pas encore parvenu. Je suppose que vous êtes jeune et par conséquent vous ne devez compter sur aucune bouée pour vous maintenir mais seulement sur vos propres forces. Ne vous accrochez à rien. Ce qui importe ce n’est pas ce qui reste mais ce que l’on est ; moi qui suis dans la même situation que vous je dois à cette règle de vie de garder ma lucidité, mon équilibre et une partie de mon bonheur. Bonheur chèrement acquis, bonheur légitime et qui tient peut-être en cette formule : être un homme et aimer la vie. J’attends votre livre.

Desnos
1ère Cie/436 R.P.
S.P. 5.947[37]

Cet appel au courage est également attesté par une déclaration du poète dans un article d’Aujourd’hui daté de 1942, à savoir « L’Avenir de la poésie », où il affirme que, pour le poète, l’éthique a plus d’importance que l’esthétique et que l’éthique, à l’époque, subit l’influence de la théorie de la relativité et de nouvelles théories sur la lumière[38].

Dans l’article suivant, paru également dans Aujourd’hui en 1942, Desnos défie sans détours Pierre Pascal, rédacteur en chef de l’Appel, revue antisémite et fasciste :

Traduire la poésie

  1. Pierre Pascal vient d’assumer une tâche dangereuse en publiant au Mercure de France une traduction en vers des Poèmes d’Edgar Poe. Le premier mot qui vient à l’esprit en lisant ces pages lourdes d’ennui, c’est que le grand Edgar Allan ne méritait pas cette trahison. En effet, si le livre était lu par un curieux de Poe, curieux ignorant les traductions de Baudelaire et Mallarmé, ce qui serait un comble, il ne pourrait que renoncer à poursuivre l’étude d’une œuvre confuse, balbutiante et vide de sens. […] Si jamais le mot « poésie » eut un sens, ce fut celui d’une voix, d’un envol et d’une émotion. Edgar Poe est, ici, privé de la première, du second et de la troisième.

C’est que traduire et comprendre sont deux. M. Pierre Pascal manie le vers français avec une rare maladresse et ne ressent pas la poésie quelle qu’elle soit. Le présent livre ira rejoindre, à la fabrique de papier, un certain nombre d’ouvrages sans intérêt qui, refondus, permettront peut-être la publication d’œuvres lisibles[39].

La lettre suivante constitue la réponse de Pierre Pascal :

On vous connaît « Monsieur ». Vous ne me connaissez pas. Aussi votre règlement de compte de ce jour me fait bien rire. Antifasciste, enjuivé, perdu de tout, tel vous étiez avant notre guerre. Votre défaite ne vous a pas permis de subtiliser la gloire que vos congénères et complices espèrent encore rapiner. Vous envoyez mes livres au pilon ? Où vous enverra-t-on, le jour de notre Révolution ? [...][40]

En octobre, Desnos écrit à Paul Éluard pour lui donner des indications sur la composition du recueil Contrée, dont il est question aussi dans la lettre suivante :

Paris, le 8 octobre 1942

Mon cher Paul,
Me voici de retour à Paris après une belle campagne normande où les champignons en ont vu de cruelles. Mais, je ne me suis pas borné à chasser le cèpe et les girolles, j’ai continué Contrée. Je t’envoie avec cette lettre les poèmes que tu ne connais pas. C’est pour moi une curieuse expérience. Je vais à tâtons mais les images, les mots, les rimes, s’imposent comme les détails d’une clé pour ouvrir une serrure. Il faut que tout soit utile et indispensable pour que le poème tienne, que tout y soit, et rien de plus, pour qu’il soit terminé. Je me demande pourquoi ils prennent aisément la forme du sonnet. Je crois de plus en plus que l’écriture et le langage automatiques ne sont que les stades élémentaires de l’initiation poétique. Par eux on enfonce des portes. Mais derrière ces portes il y en a d’autres avec des serrures de sûreté qui ne cèdent que si on cherche et trouve leur secret. L’inspiration devient une ivresse plus subtile. Elle confine à ces fumées de souvenirs. Ces souvenirs si dépouillés de leurs substances immédiatement humaines que je ne puis les comparer qu’aux sensations pures, qu’elles soient lumineuses, sonores, tactiles, parfumées ou aromatiques. Malgré tout, ces essais sont encore imparfaits. Je rêve de poèmes qui ne pourraient être que ce qu’ils sont. Dont personne ne pourrait imaginer un déroulement différent. Quelque chose d’aussi implacable que la résolution d’une équation ou les phases d’un phénomène mystique. J’en suis encore à des problèmes à solutions multiples… Imperfection de la mécanique humaine en général, grossièreté de nos étalons-mesures. Je voudrais arriver à une « poétique fine » comme les mathématiciens sont arrivés à des « calculs fins » indispensables en relativité ou en mécanique ondulatoire.

En fait, rien ne me paraît plus important dans ce domaine que Nerval. J’ai tenté de repartir de son point d’arrivée et j’ai pu constater des phénomènes d’écritures qui expliquent certaines de ces versions des Chimères où les quatrains et les tercets sont interchangeables. Dans cette écriture à tâtons il y a parfois des groupes de vers qui ne sont pas à leur place, qu’il faut retirer et qui, isolés, imposent leur complément et deviennent à leur tour et à leur place fragments d’un poème autonome. Mais il faudrait s’expliquer aussi sur l’influence de l’actualité la plus immédiate sur ces poèmes qui, semble-t-il, devraient en être éloignés. Nerval n’y a pas échappé (allusion à Napoléon, par exemple) ni moi. Mais il ne s’agit pas d’une dissimulation comme, par exemple, le langage de Mallarmé qui, me semble-t-il, lui a permis sans choquer son milieu bourgeois de satisfaire à son érotisme, d’exhiber même.

Peut-être le but final de cela serait-il d’arriver à une conciliation Nerval-Rimbaud, afin de repartir vers ailleurs. On verra bien.
J’aime ton petit bouquin. C’est même un de ceux que je préfère sinon celui que j’édite.
Quand te vois-je ? Amitiés à Nouche.

Desnos[41]

Cette lettre met à nu, plus que d’autres rares écrits programmatiques, les préoccupations de l’auteur qui est en train de rédiger ses derniers ouvrages : l’aspiration à un poème régi par une nécessité presque mathématique, où chaque élément est retenu seulement s’il contribue à l’harmonie de l’ensemble, fait songer à la perfection de l’action tragique telle qu’elle est évoquée par Aristote dans sa Poétique. Il revient sur l’importance d’une écriture ancrée au présent, ce qui signifie, à l’époque, engagée. Par ailleurs, le « petit bouquin » d’Éluard auquel Desnos fait allusion est, vraisemblablement, le recueil de poèmes Poésie et vérité, paru en octobre 1942 aux éditions de la Main à la Plume, contenant le célèbre « hymne » de la résistance qu’est devenu Liberté.

La correspondance entre Youki et Pablo Picasso témoigne de l’engagement de la jeune femme pour réaliser les vœux de Desnos, désormais détenu, à propos de la publication de ce même recueil, Contrée :

Dimanche – 21 mai 1944

Mon cher Pablo,
Je m’excuse d’être venue vous déranger hier – j’aurais tant voulu vous voir, car Godet m’a envoyé un coup de téléphone désespéré – il paraît que vous hésitez à donner votre gravure à tirer. Ce serait une catastrophe pour moi. Car, sur le désir de Robert, j’ai financé Godet pour que le livre paraisse, j’ai emprunté de l’argent pour cela, et si je n’ai pas votre eau-forte, je serai obligée de le rendre – donc de vendre des livres ou des tableaux de Robert – ce que je voulais justement éviter. Au contraire, si le livre paraît, il est déjà plus que entièrement souscrit. Je rembourse la personne et cela me laissera de l’argent pour vivre quelque temps, sans toucher aux affaires personnelles de Robert.
Bien sûr, je sais que ce n’est pas à moi, mais à Robert que vous avez donné cette eau-forte – seulement je ne pensais pas que vous établissiez une distinction entre nous. C’est une chose qui ne me serait même pas venue à l’idée.
Robert et moi, nous vivons sous une règle assez large qui consiste à peu près en ceci – tout ce que fait Robert est bien, à mes yeux, et tout ce que je fais, est bien aux yeux de Robert – nous nous connaissons suffisamment pour nous faire confiance – et notre entente est très solide. Les détails importent peu. J’ai vécu d’ailleurs de la même façon avec Foujita, et nous gardons l’un de l’autre le meilleur souvenir.
Je vous explique tout cela pour vous dire que, bien entendu, vous êtes libre mais si vous retirez ce chevalier casqué, c’est avec son épée que vous me blessez – Cela m’étonnerait tellement de vous!
Mon cher Picasso, je suis bien triste. De toute façon, je n’écrirai pas cela à Robert. Il est parti plein de sécurité, me voyant tranquille et courageuse, je ne veux pas le troubler à mon sujet.
Godet m’a dit qu’il lui faudrait une réponse mercredi, au plus tard. Lacourière tirera cela très vite, pour me faire plaisir. Décidez ce que de tout cœur vous voulez faire. Je vous envoie mon souvenir ainsi qu’à Dora.
Youki Desnos[42]

Ici, le chevalier casqué, dans le style nommé « araignée », qui donne un sentiment de claustrophobie en écho aux tensions politiques et sociales de l’époque, vient en droite ligne du frontispice de la première édition de Contrée. Le titre de ce recueil poétique joue sur les homonymes « contrée », substantif qui fait allusion aux différents lieux évoqués et « contrer », verbe qui cache le véritable défi lancé par l’auteur : il s’agit de faire face à l’ennemi, de résister. L’appel à l’insoumission masqué par les ambiances bucoliques et les renvois mythologiques est bien résumé dans l’eau-forte demandée à Picasso par le poète : une énigmatique hybridation de formes, esquissant un chevalier surmonté d’un heaume et qui paraît surgir d’une rangée de livres. L’amitié entre Desnos et Picasso avait d’ailleurs commencé longtemps avant par une lettre datée du 15 mars 1924, où l’écrivain rendait hommage au peintre, qu’il rencontrera en personne, vraisemblablement, l’année suivante, lors de l’exposition Peinture surréaliste (galerie Pierre Loeb, rue Bonaparte, 14-25 novembre 1925) : les dessins de Robert Desnos – le seul poète invité à participer[43] – y furent exposés à côté de tableaux d’artistes tels que Max Ernst, Man Ray, Giorgio de Chirico, Paul Klee, André Masson.  La préface du catalogue était le fruit d’une coopération entre Breton et Desnos. Dans ses articles d’art, ce dernier décrit Picasso comme un alchimiste, dont les tableaux seraient capables de transmettre joie et connaissance.

La dernière lettre, ainsi que le dernier poème (achevé dans le camp de Royallieu à Compiègne le 6 avril 1944), retrouvés en 1969 par Pierre Lartigue, resserrent le nœud qui, dans la vie de Desnos, n’a cessé de relier poésie, amour et liberté.

Le 7 janvier 1945

Ma grande chérie
J’ai reçu ta deuxième lettre – celle du 20 –, mais je dois te répondre chez notre ami le professeur Guillemin, car dans ta lettre tu as oublié de me donner ton adresse en Suisse. Il te donnera la lettre lui-même, ou par l’intermédiaire de sa belle-fille Andrée, ou de Jean-Louis Barrault. Je le remercie de tout cœur, pour toi et pour moi. D’abord, tous mes vœux de bonheur pour 1945, ma grande chérie, avec la conviction de pouvoir te les répéter dans le cours de l’année, tout mon amour, toute ma tendresse. En échange, je te demande d’être bien patiente pendant ce trop long intermède. Mais comme tout sera beau après ! En ce qui concerne la procuration :
« Je soussigné Desnos Robert né le 4-7-1900, à Paris, déclare te confier, à toi, née Lucie Badoud, née le 31-7-1903 à Paris, domiciliée dans notre appartement commun à Paris 19, rue Mazarine, domicile légal, pouvoir général, pendant tout le temps de mon absence commencée le 22-2-1944, pour me représenter, sans empêchement, défendre mes intérêts, administrer nos biens en toutes circonstances. Je déclare également mon héritière universelle [trois mots rayés nuls]. Desnos Robert, Flöha, 7 janvier 1945.»
Ceci n’est peut-être pas fait suivant les règles, mais si tu fais traduire cette lettre par un traducteur juré, elle peut cependant te servir. Vois cela avec Delattre, Francis Gérard et Lesage. As-tu été contente de la dédicace de Contrée ? As-tu reçu l’exemplaire de luxe ? Combien en reste-t-il ? Ne les vends pas au-dessous du prix. Y a-t-il eu une critique ? Est-ce que les poèmes d’enfants sont parus chez Gründ et la N.R.F.? Est-ce que la N.R.F. a redonné Fortunes et Le vin est tiré ? Demande à Ferdière ce qu’il en est du livre qui devait paraître à Rodez. Est-ce que Diolé et Guitte ont aussi les mêmes idées sur les poèmes ? On pourrait en parler avec Picasso.
Mes amitiés à tous ceux que j’ai admirés, à tous ceux dont tu m’as parlé, à tous ceux que je n’oublie pas mais que je ne peux nommer à cause du manque de place. Que deviennent Jeanson et Galtier ? Écris-moi longuement sur tous. L’un d’eux pourrait m’écrire de temps en temps, Lucienne aussi. Meilleurs vœux et baisers à Lucienne, tante Juliette, ainsi qu’à Georges. Vois aussi Éluard, Morin, Vaillant à Paris-Midi, Pascal Pia, qui connaissent mes affaires. Amitié au bon Docteur et au grand Hemingway. Que deviennent tes tableaux ? Envoie-moi une photo de toi. J’ai en tout reçu sept paquets le premier de J.L. Barrault. Aucun de la Croix-Rouge. Ils commencent seulement à arriver. Fais m’en encore envoyer aussi. Seulement des vivres, du tabac, du savon, une paire de bas, pas de vêtements civils. Nous sommes habillés dans le camp. Pour la malle, voir au chemin de fer. Elle était adressée : Mme Desnos, à l’Hôtel 105, rue de Paris, Compiègne, et portait aussi ton adresse de Paris. Elle contient presque tous les vêtements que tu m’as envoyés, mon portrait, et une serviette de cuir. Pour le reste je trouve un abri dans la poésie. Elle est réellement le cheval qui court au-dessus des montagnes dont Rrose Sélavy parle dans un de ses poèmes et qui pour moi se justifie mot pour mot. Vois les Valerio pour notre maison à Belle-Île et la préfecture de la Seine pour un bel appartement dans le genre « 6, rue de Seine ». Et à toi, ma grande chérie, mon entier amour qui t’arrivera mais très refroidi par le voyage et la traduction.
À bientôt ! tout mon amour!
R.D.[44]

Cette lettre, qui est la dernière écrite par le poète, est un témoignage émouvant de la cohérence par laquelle l’auteur a maintenu la foi en la liberté, en la joie de vivre et en les ressources de la poésie. Le titre de son dernier sonnet, Printemps, est emblématique de cet élan inépuisable et son incipit évoque, encore une fois, Rrose Sélavy, qu’il cite dans la lettre pour faire allusion à l’aphorisme suivant, des années 1922-23 :

Rrose Sélavy peut revêtir la bure du bagne, elle a une monture qui franchit les montagnes[45].

Les mots poétiques, polysémiques, deviennent ainsi vecteurs de connaissance et un espace fondamental pour récupérer les facultés d’expression et de communication propres à l’homme, à plus forte raison dans la déshumanisation progressive que le camp entraîne. Dans les dernières paroles du poète on retrouve la valeur heuristique qu’il a toujours assignée à la poésie et à l’art d’autant que le sel évoqué par la contrepèterie de Rrose Sélavy pour faire déchiffrer au lecteur le nom de Marcel Duchamp est aussi un élément alchimique, ainsi que le remarque Nicola Ferrari dans sa récente étude et réécriture des aphorismes en italien (2021)[46]:

Rrose Sélavy connaît bien le marchand du sel[47].

La polysémie est à même d’abattre la cloison illusoire de la réalité et nous projette dans une éternité d’archétypes. Archétypes éternels, tels sont aussi les personnages des Chantefables dont l’auteur demande des nouvelles dans sa dernière lettre. On sait d’ailleurs que derrière ces récits esquissés, à l’air innocent de comptine, se cachent des allusions à l’actualité (nous nous limitons à rappeler qu’en argot « hippocampe » a le sens d’« insoumis »[48]) et des messages éthiques non négligeables : le châtiment de l’escargot est une condamnation de l’égoïsme, l’attitude de l’hippocampe est une exaltation de l’abnégation, l’amertume du crocodile marque le triomphe de l’intelligence sur la force. De même, l’opposition entre le grand ours enfermé dans une cage et la grande ourse dans le poème « L’ours » (qui n’est pas sans rappeler le Spectacle interrompu de Mallarmé), l’antanaclase entre un blaireau et le blaireau dans le poème Le blaireau, ainsi que le dialogisme et la prosopopée mis en place dans maints autres poèmes desnosiens, remettent en question l’anthropocentrisme :

Le blaireau

Pour faire ma barbe
je veux un blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau.

Par mes poils de barbe!
S’écrie le blaireau,
Graine de rhubarbe,
Graine de poireau,

Tu feras ta barbe
Avec un poireau,
Graine de rhubarbe
T’auras pas ma peau[49].

Les fragments des lettres et les esquisses consignées dans Réflexions sur la poésie et dans Notes à Calixto, recomposent ainsi la mosaïque d’une poétique qui est aussi une éthique visant à assurer la dignité et la liberté de tout être humain, dans un cosmos perçu comme une éternelle métamorphose. C’est pourquoi l’auteur insiste sur l’importance d’une poésie attentive à l’actualité et, par conséquent, fugitive, mais capable de déjouer la censure sous l’Occupation. C’est ce courage que son ami Paul Éluard lui reconnaît dans l’allocution prononcée le 15 octobre 1945 à la Légation tchèque à Paris[50], pour célébrer le retour des cendres de Desnos :

Chers amis tchèques,
[…] Jusqu’à la mort, Desnos a lutté pour la liberté. Tout au long de ses poèmes l’idée de liberté court comme un feu terrible, le mot liberté claque comme un drapeau parmi les images les plus neuves, les plus violentes aussi. La poésie de Desnos, c’est la poésie du courage. Il a toutes les audaces possibles de pensée et d’expression. Il va vers l’amour, vers la vie, vers la mort sans jamais douter. Il parle, il chante très haut, sans embarras. Il est le fils prodigue d’un peuple soumis à la prudence, à l’économie, à la patience […][51].

Jusqu’à sa mort, Desnos, arrêté le 22 février 1944, assuma sa cohérence, au-delà de tout fanatisme, au-delà de toute partialité et au-delà de toute hypocrisie, ainsi qu’en témoigne cette lettre prononcée en hommage au poète, en 2015, par André Bessière qui rencontra Desnos dans le camp de Royallieu le 21 mars 1944. Ils firent partie tous les deux du « convoi des tatoués »[52] ; 1700 hommes subirent la déportation de Compiègne le 27 avril, pour arriver bien moins nombreux à Auschwitz le 30 avril, continuer à Buchenwald le 14 mai, à Flossenburg le 25 mai, à Flöha le 2 juin et terminer « la marche de la mort » du 14 avril 1945 jusqu’à l’arrivée à Terezin le 7 mai 1945.

Mars 2015

Mon cher Robert,
Célébrer en ce printemps 2015 les 70 ans de la libération des camps de concentration, c’est aussi commémorer ton décès, toi mon regretté compagnon de paillasse de Flöha, toi qui vis toujours en moi.
Je te revois dans cette écurie de la mort d’Auschwitz Birkenau où tout en toi se révoltait contre la rumeur d’une mort programmée. Alors que nous étions tous terrassés, tu allais de groupe en groupe, t’emparais ici et là d’une main pour en lire les lignes à haute voix. Quel que soit le sujet le dénouement était toujours idyllique après d’extravagantes aventures mais tu parlais d’avenir avec une telle certitude, une telle force de conviction, que les désespérés de l’instant d’avant oubliaient leur misérable condition et se reprenaient à espérer.
Je t’entends encore certains dimanches après-midi, lors de notre court repos de la semaine, interpréter bien des rêves, toujours de façon humoristique à haute voix et à la cantonade.
De même le soir, avant l’extinction des feux, j’étais tout ouïe lorsque tu nous confiais des bribes de ton tumultueux passé à Saint-Germain-des-Prés. Tes talents de conteur donnaient des couleurs à ton récit dans lequel évoluaient des artistes et des écrivains qui se forgeaient une réputation que l’après-guerre allait asseoir : Madeleine Renaud, Jean-Louis Barrault, Picasso, Prévert, Mouloudji…
À force de côtoyer le pire, ces sombres pressentiments devaient te ronger, comme le soir où, après une pendaison où nous étions tenus d’assister, je me rappelle tes propos, comme si tu te parlais à toi-même :
« On se croit fort, mais dans le fond on passe sa vie à se distraire de la mort. On attend des tas de choses tout au long du parcours puis, brutalement, on se trouve en face de la seule, de l’authentique attente : la mort, preuve irréfutable de l’absurdité de la vie. Et c’est le tragique de la mort qui transforme la vie en destin. »
Après la sévère correction que deux kapos t’avaient administrée, tu n’étais plus le même. Ta verve s’était tarie. Tu as peu à peu versé dans l’obsession de raconter un jour ce que nous vivions, ce que nous subissions, et tu m’avais confié ton obsession :
« Vois-tu, il faudra que le monde sache, il faudra le dire et l’écrire mais l’énorme difficulté consistera à trouver les mots appropriés pour être crédible sans sombrer dans le pathétique de feuilleton. »
Tu n’as pas eu la chance de rentrer et ce n’est que bien des années plus tard que j’ai compris ton message. Mon cher Robert, tu me passais le relais de ton obsession.
Cette obsession, je l’ai faite mienne et j’ai écrit notre tragédie en veillant à ne pas trahir l’héritage dont je me suis senti le dépositaire.

André
185074
9377[53]

La présence de la mort et l’exigence de documenter, de raconter la vie avec des mots secs et sincères représente, en fait, un fil rouge tout au long de la production de l’auteur. Nous nous quitterons sur la citation des deux strophes centrales du poème Chant pour la belle saison car, bien qu’il remonte à la fin des années trente, il apparaît de nos jours d’une actualité brûlante et atteste chez Desnos de la quête inlassable de l’humain et de la transmission, jusqu’au bout, de son amour de la vie :

Je chante ce soir non ce que nous devons combattre
Mais ce que nous devons défendre.
Les plaisirs de la vie.
Le vin qu’on boit avec ses camarades.
L’amour.
Le feu en hiver.
La rivière fraîche en été.
La viande et le pain de chaque repas.
Le refrain que l’on chante en marchant sur la route.
Le lit où l’on dort.
Le sommeil, sans réveils en sursaut, sans angoisse du lendemain.

Le loisir.
La liberté de changer de ciel.
Le sentiment de la dignité et beaucoup d’autres choses
Dont on ose refuser la possession aux hommes[54].

Si ces vers, d’une part, font venir à l’esprit les réflexions de son ami Raymond Queneau dans l’article La légende de Desnos (« Il collait au quotidien, il en acceptait les responsabilités »[55]), ils renvoient, d’autre part, à un commentaire dans le roman de Dominique Desanti, qui, à notre sens, résume bien l’empathie que les poèmes de l’auteur sont capables de susciter :

Robert avait le don de se citer sans le dire, comme celui de commencer à vous communiquer un poème sur le ton de la conversation, quitte, au fur et à mesure que le texte l’entraînait, à le scander, en accentuant à peine, sans déclamation aragonienne, sans majesté bretonienne, sans dérision péretiste, sans exagération tzaresque. Éluard et lui partageaient ce pouvoir de faire entrer leurs textes dans la vie sans guillemets. Il y faut sans doute une grande proximité avec l’auditeur et la conviction intime que la poésie est donnée à chacun quand on la lui tend simplement, comme un verre d’eau[56].

 

Silvia Ferrari

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Corpus :

Desnos, Robert, Nouvelles Hébrides et autres textes 1923-1930, édition établie, présentée et annotée par Marie-Claire Dumas, Gallimard, Paris, 1978 : Lettre à Jacques Doucet (sans date, 18/08/1923), p. 505-506.

Desnos, Robert, Œuvres, édition établie et présentée par Marie-Claire Dumas, Paris, Gallimard, 2011: Lettre de Pierre Pascal à Robert Desnos (1942), p. 882 ; Lettre à Youki (7/01/1945), p. 1278-1279.

Desnos pour l’an 2000, colloque de Cerisy-la-Salle, textes réunis par Katharine Conley et Marie-Claire Dumas, Gallimard, 2000 : Lettres à Georges Gautré (1919-1923), p. 373-386.

L’Étoile de mer, nouvelle série, cahier Robert Desnos, publié par l’association des Amis de Robert Desnos :

- Cahier n° 1, 2008, Desnos et les Milhaud,  Présenté par Thomas Simonnet, Lettres de Desnos aux Milhaud (1936-1941), p. 40-50.
- Cahier n° 6, 2015, Desnos et la guerre, 1939-1945, textes réunis par Marie-Claire Dumas et Jacques Fraenkel, Lettre d’André Bessière à Robert Desnos (mars 2015), p.12-13 ; Lettre de Desnos à Gaston Criel (18/02/1940), p.18.
- Cahier n° 20, 2020 Jean Carrive, André Breton, Robert Desnos, Pierre Picon et Simone Kahn, Une correspondance surréaliste en 1923, textes réunis par Marie-Claire Dumas, p. 17-130.

L’Herne, 1987, Robert Desnos. Marie-Claire Dumas (dr.).  Lettre à Paul Éluard (8/10/1942), p. 304-305.

L’Herne, 2014, Pablo Picasso. Laurent Wolf et Androula Michael (dr.) Lettres de Robert et Youki Desnos, p. 285-299.

Lettre à Armand Salacrou (1931; DSN BLJD: Ms 47047, corpus numérisé: (http://bljd.sorbonne.fr/ark:/naan/a011441804310Lxhijd)

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[1]    Robert Desnos, Œuvres, édition établie et présentée par Marie-Claire Dumas, Paris, Gallimard, 1999, p. 508.

[2]    Ibid., p. 507.

[3] André Guyaux, “Préface” in Charles Baudelaire, Fusées. Mon cœur mis à nu et autres fragments posthumes. Édition d’André Guyaux, pp. 7-41: ici p. 35-36.

[4] Charles Baudelaire, Fusées…, cit., p. 148.

[5] Ibid., p. 126.

[6] Charles Baudelaire, I fiori del male. Traduzione e cura di Antonio Prete. Testo originale a fronte, Milano, Feltrinelli, 2010, p. 89.

[7] Lettre de Robert Desnos à Georges Gautré, [1920], Katharine Conley et Marie-Claire Dumas (dir.), Desnos pour l’an 2000,  colloque de Cerisy-la-Salle, Paris, Gallimard, 2000, pp. 375-378. C’est nous qui soulignons.

[8]  Lettre de Robert Desnos à Jean Carrive, [cachet de la poste: 23 février 1923], in Id., Jean Carrive, André Breton, Robert Desnos, Pierre Picon et Simone Kahn, Une correspondance surréaliste en 1923,  réunie et annotée par Marie-Claire Dumas, «L’Étoile de mer», Cahier, nouvelle série, n° 20, 2020, p. 22. C’est nous qui soulignons.

[9] Lettre de Robert Desnos à Jean Carrive, [cachet de la poste: 28 mars 1923], Ibid., p. 52.

[10] Lettre de Robert Desnos à Pierre Picon, 1er mai 1923, Ibid., p. 70.

[11] Lettre de Robert Desnos à Jean Carrive, 2 mai 1923, Ibid., pp. 72-73

[12]  Lettre de Robert Desnos à Jean Carrive (cachet de la poste: 10 juillet 1923), in Ibid., p. 101.

[13]  Lettre de Robert Desnos à Jacques Doucet, [sans date; 18/08/1923], in Robert Desnos, Nouvelles Hébrides et autres textes, édition établie, présentée et annotée par Marie-Claire Dumas, Paris, Gallimard, 1978, p. 505-506.

[14]  Ibid., p. 107.

[15]  Ibid., p. 109.

[16]  Ibid.

[17]  Ibid., p. 113.

[18]  Ibid., p. 110.

[19]  Ibid., p. 114. Nous soulignons.

[20]  Ibid., p. 132.

[21]  Ibid., p. 134. Nous soulignons.

[22] Lettre de Jean Carrive à Robert Desnos, [sans date], in Jean Carrive, André Breton, Robert Desnos, Pierre Picon et Simone Kahn, Une correspondance surréaliste en 1923, op.cit., p. 128.

[23]  Anne Egger, op.cit., p. 240.

[24]  Kiyoko Ishikawa, Paris dans quatre textes narratifs du surréalisme. Aragon, Breton, Desnos, Soupault, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 158-159.

[25]  Robert Desnos, La Liberté ou l’amour! Suivi par Deuil pour deuil, Paris, Gallimard, 1962, p. 121.

[26]  Ibid., p. 149.

[27]  Carole Arouet (dir.), L’étoile de mer. Poème de Robert Desnos tel que l’a vu Man Ray, Rome, Gremese, 2018, p. 101-102.

[28]  Robert Desnos, « La muraille de chêne », La Révolution surréaliste, n° 2, 15 janvier 1925. Repris dans Nouvelles Hébrides, op. cit. p. 206-207.

[29]  Robert Desnos, Œuvres, op. cit. p. 263.

[30] Robert Desnos, C’est les bottes de 7 lieues cette phrase «Je me vois», avec quatre eaux fortes d’André Masson, éditions de la galerie Simon, Paris, 1926.

[31]  Robert Desnos, Destinée arbitraire, édition de Marie-Claire Dumas, Paris, Gallimard, p. 52.

[32] Paris, Klincksieck, 1980, p. 354 et sq.

[33]  Robert Desnos, La Liberté ou l’amour !, op. cit., p. 62.

[34]  Ibid., p. 114.

[35]  Cf. Chantal Jaquet et alii, Spinoza, philosophe de l’amour, Saint-Etienne, Presses Universitaires Saint-Etienne, 2006.

[36]  Lettre de Robert Desnos à Armand Salacrou: manuscrit autographe [sans date; 1931]: Ms Ms 47047. Numérisé: http://bljd.sorbonne.fr/ark:/naan/a011441804310Lxhijd/17f26a8526 (consulté le 2 mai 2022).

[37] Lettre de Robert Desnos à Gaston Criel, [18/02/1940], in Desnos et la guerre, 1939-1945, « L’Étoile de mer », Cahier, nouvelle série, n° 6, 2015, p. 18.

[38]  Cf. Anne Egger, op. cit., p. 857.

[39] Robert Desnos, «Chroniques des temps présents», 16 septembre 1942, in  Id., Œuvres, op. cit. p. 877.

[40]  Lettre de Pierre Pascal à Robert Desnos, [septembre 1942], Robert Desnos, op.cit. p. 882.

[41]  Lettre de Robert Desnos à Paul Éluard, [8/10/1942], in AA.VV., Robert Desnos, Paris, L’Herne, 1987, p. 304-305.

[42]  Lettre de Youki Desnos à Pablo Picasso, [21/05/1944], in AA.VV., Pablo Picasso, Paris, L’Herne, 2014, p. 296.

[43]  Cf. Anne Egger, op. cit., p. 247.

[44]  Lettre de Robert Desnos à Youki Desnos, [7/01/1945], Robert Desnos, op. cit. p. 1278-1279.

[45]  Ibid., p. 503.

[46] Robert Desnos, Rrose Sélavie. Rrosa La Vita, traduzione e cura di Nicola Ferrari, Genova, San Marco dei Giustiniani, 2021, p. 32. L’auteur y fait référence aussi à l’étude suivante : Maurizio Calvesi, La tradizione esoterica in Duchamp e nel surrealismo, in AA. VV., Studi sul surrealismo, 1977, p. 126.

[47]  Robert Desnos, Œuvres, cit., p. 503.

[48]  Cf. Anne Egger, op. cit., p. 953.

[49]  Ibid., p. 1338. Nous soulignons.

[50]  Publiée le 20 octobre 1945 dans Les lettres françaises.

[51]  Paul Éluard, Jusqu’à la mort…, dans Robert Desnos, Desnos et la guerre, 1939-1945, « L’Étoile de mer», Cahier, nouvelle série, n° 6, 2015, p. 89. Nous soulignons.

[52]  Cf. André Bessière, « De Compiègne à Terezin avec Desnos », Desnos pour l’an 2000, op.cit.., p. 310-325.

[53]  Lettre (hommage posthume) d’André Bessière à Robert Desnos, [mars 2015], in Robert Desnos, Desnos et la guerre, 1939-1945, «L’Étoile de mer», Cahier, nouvelle série, n° 6, 2015, p. 12-13. Nous soulignons.

[54]  Robert Desnos, Destinée arbitraire, cit., p. 157-158.

[55] Cf. Raymond Queneau, « La légende de Desnos », Simoun n° 22-23, 1956.

[56]  Dominique Desanti, Robert Desnos, le roman d’une vie, Paris, Mercure de France, 1999, p. 200-201.