Marie-Claire Dumas

À propos d’une signature contestée

Correspondance Jean Carrive et famille, André Breton, Desnos en 1925

 

Mon propos est d’analyser les répercussions que peut avoir la signature d’un document de portée publique dans une correspondance privée – en l’occurrence ici de la signature de Jean Carrive au bas du tract La Révolution d’abord et toujours ! , qui a été publiquement diffusé en août 1925 auprès des députés, des sénateurs et des journaux, avec la liste exhaustive des signataires. Cette étude porte sur un corpus restreint de 6 lettres et 1 carte postale, dans une période également limitée : d’avril à septembre 1925[1].
Avant d’en suivre le déroulé temporel, je rappelle que L’Étoile de mer a publié en 2020 des échanges de lettres datant de 1923 entre Jean Carrive, Robert Desnos, André Breton et quelques autres. On peut y puiser quelques précisions utiles à notre recherche.

 

En 1923, Jean Carrive, un lycéen insoumis à Bordeaux

Jean Carrive, 18 ans, est élève au lycée Montaigne de Bordeaux où il prépare un baccalauréat classique (latin-grec). En réaction contre cet enseignement traditionnel, il s’affiche en fougueux défenseur de la modernité que la revue Littérature représente seule à ses yeux, avec Lautréamont comme incarnation majeure de la poésie. Il fait à plusieurs reprises scandale au lycée. Desnos devient le conseiller littéraire auquel le jeune homme confie ses premiers essais poétiques et qui l’initie au surréalisme. Dans leurs échanges, ils font assaut de verve polémique aussi bien dans le domaine littéraire que politique et social. Ce qui nous vaut de fracassants éloges de la guillotine ! Il échafaude un voyage à Paris à l’insu de ses parents pour rencontrer Desnos et les membres du groupe.

Ajoutons qu’en 1924 Jean Carrive pourvu du bac, est toujours provincial.
Il a été admis dans le groupe surréaliste, comme en atteste André Breton dans son Manifeste du surréalisme de 1924. Adhérant aux ambitions de La Révolution surréaliste, qui dès son premier numéro proclame : « Il faut aboutir à une nouvelle déclaration des droits de l’homme », Carrive signe à distance les déclarations collectives du groupe.

 

En 1925, Jean Carrive, un surréaliste de 20 ans à Bordeaux

Les trois lettres que Jean Carrive adresse à Robert Desnos, d’avril à juillet 1925, nous révèlent son état d’esprit du moment. Toujours légalement mineur, dépendant donc de l’autorité paternelle, supportant mal les contraintes parentales de la « sainte famille », il cherche à nouveau à fuir Bordeaux.

 

Lettre du mercredi 22 avril [1925] Bordeaux

Cette lettre oscille entre l’élan lyrique, la verve polémique et la mélancolie.
Elle s’ouvre sur un éloge enthousiaste de Robert Desnos. Jean Carrive vient de recevoir Deuil pour deuil. « Mon vieux Desnos, je vous remercie de toutes mes forces pour votre charmante attention. Évidemment vous êtes le mieux doué des surréalistes, car moi je ne peux séparer le surréalisme de la violence et jusqu’à un certain point de ce qu’Ils appellent ‘l’épouvante malsaine’. La réincarnation de Lautréamont c’est vous… ». Et vient un retour ému sur leurs premiers échanges : « Aujourd’hui c’est comme il y a deux ans (février-août 1923) : la plus belle période, je crois, qu’il m’ait été donné de vivre. »

Puis viennent les questions pressantes sur les aléas parisiens du groupe : « Que faut-il croire de tous ces bruits terriblement alarmants de dissentiments parmi les surréalistes ? » – bruits sans doute colportés par ceux qui vont à Paris, au Bureau des recherches surréalistes, comme cet ex-camarade de Jean Carrive dont il fait un portrait-charge, où se disent sa colère et son envie : « un salaud, un être dont on doit se défier et se méfier ».

Et se fait entendre la morosité du « ici » : « une grande envie de ne rien faire et de mourir le soir avec le jour. Aucune envie d’amour ; une grande solitude … ».

Pour finir sur un ton véhément et vindicatif dont il est coutumier : « Tous les hommes sont des saligauds », « Et que crèvent toutes les pourritures Humaines ! »

Cette lettre allie de façon exemplaire le désir d’un ailleurs (Paris) et la déconvenue d’un ici déprimant. Lettre qui reste sans réponse.

 

Lettre du 16 juin 1925, Bordeaux

Plus de 6 semaines se sont écoulées depuis sa lettre précédente. Désormais, Jean Carrive échafaude un plan d’action pour quitter Bordeaux, ce qui suppose une aide de Desnos. Il s’en explique : « Lettre d’affaires », dit-il, qui reflète les négociations difficiles avec les parents et « jusqu’à nouvel ordre » la volonté de quitter Bordeaux. Il s’informe auprès de Desnos des moyens de survivre à Paris.
« Voici les faits : je lâche le droit […] jusqu’à nouvel avis, je plaque tout […] car je veux DÉFINITIVEMENT rester à Paris. »

Exposé des motifs : « ma bien aimée famille me menace d’un engagement forcé dans l’armée. » / « Je ne veux plus faire d’études ; autant de prisons avec même pas une fenêtre donnant sur la rue. » / « Je ne crois pas encore que je gâche là ma vie, comme ils disent, malgré les prédictions paternelles […] Gâcher et lâcher sont trop parents ! »
Il signale son peu de résistance physique à une vague de chaleur accablante :

« Il fait brûlant ; le Maroc fait chaud jusqu’ici, jusque sur Tourny ; mon pauvre corps de méridional est comme une passoire. »

Pour finir par cet appel éploré à Desnos : « Et puis écrivez-moi, je vous prie, un peu. / Pourquoi après tout, ne répondriez-vous pas à cette lettre ? »
Dans cette lettre, Jean Carrive aspire au « lâcher tout » surréaliste qui résonne pour sa famille comme un « gâcher tout ». Les débats familiaux sont intenses, les parents multipliant les arguments pour que le jeune homme renonce à un départ à Paris, où retrouver le groupe surréaliste. Il résiste mais se sent seul dans cette lutte que ne vient soutenir aucun signe de Desnos. Sa « tentative d’éclaircissement de la situation » laisse entendre les difficultés de la décision à prendre.

 

Lettre du 8 juillet 1925, Bordeaux

Dès le début de sa lettre, Jean Carrive accuse réception d’un court message de Desnos. « Pardonnez-moi, dit-il, de ne répondre que si tard à votre petit mot de l’autre jour – et qui m’a fait tant plaisir », remarque réitérée en fin de lettre : « Je n’ai voulu que vous écrire pour vous dire combien m’avait ému votre brève carte postale de l’autre jour. » Cette carte postale nous est inconnue : sans doute répondait-elle à la demande exprimée dans la lettre précédente.
Vient à nouveau son problème de santé : « Je suis actuellement mal foutu (au fait qu’avez-vous eu ? Et êtes-vous complétement rétabli ?), repris in fine : « Excusez-moi mais je suis tellement VASEUX ».
Cet état de grande fatigue ne trouverait-il pas son principal motif dans la lutte incertaine que le jeune homme mène contre sa famille qui le presse de se consacrer à ses études : « […] cédant à  je ne sais quelle mollesse bête, dit-il, de façon à avoir mes coudées plus franches, j’ai accepté de me présenter sur les « paterniques » instances au 1er examen de droit. […] la fatigue aidant, je suis obligé de remettre à sine die (comme ils disent) mon voyage à Paris – ou tout au moins à la fin de juillet ».
S’ensuit le constat mélancolique de sa prostration et de son « ennui » : « En attendant malgré mes occupations, je ne fais rien, je reste assis des heures entières, immobile comme un Boudha à la terrasse d’un café […]. »
À quoi font en quelque sorte contrepoids les rêveries de liberté que lui inspire la lecture de Deuil pour deuil, « car n’est-ce-pas parfois, écrit-il, il y a plus de réalité dans l’absence que dans la présence ? » et il ajoute : « C’est vous dire la domination que vous exercez sur nous. La domination qui n’est ici que la Liberté, la forme la plus absolue de la Liberté. »

Ajoutée, en haut de la première page, à droite, une demande, paraphée JC :
« Ne pourriez-vous pas me faire parvenir ‘le petit factum imprimé sur rouge vif et conçu en termes plus vifs encore’ comme dit le doux vieillard du Temps ? » –Paul Souday, journaliste au journal Le Temps. Allusion à la « Lettre ouverte à M. Paul Claudel, ambassadeur de France au Japon », signée le 1er juillet par les surréalistes (dont Jean Carrive) et glissée sous les assiettes des invités au banquet Saint-Pol-Roux, le 2 juillet.
Dans ce tract, imprimé sur papier couleur sang de bœuf, les surréalistes  répondent à l’attaque injurieuse de Claudel, qui dans une interview avait affirmé que dadaïsme et surréalisme n’avaient qu’« un seul sens : pédérastique » et qui se glorifiait  d’avoir contribué à l’effort de guerre en achetant « du blé, de la viande en conserve, du lard pour les armées » [2].
Ajoutée, au travers de la même page, à gauche, une question littéraire, paraphée JC : « Avez-vous vu Onirocritique dans ‘ Il y a’  de Guillaume A ? »
Enfin, entre les 2 ajouts précédents, ostensiblement placée au dessus de l’adresse au destinataire, au travers de la page, d’une encre différente, en dernier après-coup semble-t-il, figure l’information suivante, également paraphée : « Ah ! mon cher ami si vous saviez ce que le dernier manifeste a emmerdé les gens, les vieux bonzes du lycée : ex professeurs et ex cons – et jusqu’en un certain point ma bien aimée famille. » Carrive signale ici l’Appel aux travailleurs intellectuels/Oui ou non condamnez-vous la guerre ? lancé par Henri Barbusse, publié dans L’Humanité le 2 juillet 1925. Il est signé par le groupe surréaliste –  mais le nom de Carrive n’y figure pas[3]. Cette déclaration anti-militariste, qui dénonce la guerre coloniale de l’Espagne au Maroc en lutte pour son indépendance, ne peut qu’avoir l’assentiment de Carrive.

Ces addenda, en tête de la lettre, tous paraphés, signalent la volonté du jeune homme de continuer à s’inscrire du côté des surréalistes.
Jean Carrive constate ainsi l’impasse où il se trouve : situation déprimante où il est pris (et prisonnier ?) entre la domination parentale qui impose son principe de réalité et la domination de l’idéal surréaliste qui exalte la liberté du désir.

Dans l’immédiat, le jeune homme cède à la pression parentale. Mais il s’en détache en revenant à ses convictions surréalistes : à la fois par sa définition de la réalité – plus forte in absentia qu’in praesentia –  et par les deux notes ajoutées en tête de sa lettre, où sa verve polémique reste intacte. En somme un accord fragile semble s’être établi au sein de la famille, à la suite de négociations éprouvantes, avant reprise possible des hostilités de la part de Carrive[4].

Ici s’achève la correspondance de Jean Carrive avec Desnos. Elle révèle l’attachement profond qui lie le jeune homme au poète. Le quasi silence de ce dernier traduit peut-être une certaine prudence à engager le jeune provincial dans l’agitation parisienne du moment. Sans doute aussi, Desnos étant fortement investi dans ces manifestations (et malade de surcroît) n’a-t-il pas le temps de lui répondre de façon développée.
Aucune correspondance ne semble avoir été échangée entre Bordeaux et Paris pendant les mois de juillet et août. C’est en septembre que des échanges reprennent – avec de nouveaux protagonistes : la famille de Jean Carrive et André Breton – suscités par la diffusion publique du tract : La Révolution d’abord et toujours ! En effet en août cette déclaration a été envoyée à tous les députés et sénateurs, à tous les journaux ainsi qu’aux abonnés de La Révolution surréaliste et de Clarté. Le nom de Jean Carrive figure sur la liste des signataires. Cette signature déclenche de vives réactions dans la famille du jeune homme et vient compromettre les démarches entreprises par son père pour lui faciliter son départ éventuel pour Paris[5].

 

Reprise de correspondance en septembre 1925

Carte postale d’André Breton à Jean Carrive

Envoyée de Nice, Hôtel Beau Rivage, quai des États Unis, à Bordeaux, avec mention « faire suivre » et réexpédiée à Sauveterre de Béarn, Basses Pyrénées  (date d’envoi difficile à déterminer, 1.9.25 ? étant donné le nombre des cachets postaux qui se superposent).
Breton y précise : « J’ai encore signé pour vous une déclaration que vous trouverez bien scandaleuse; était-ce encore permis ? Mais il faut de toute façon que vous soyez avec nous.
Tout va bien malgré tout depuis quelque temps. Faites-moi encore un peu confiance. »
Cette carte postale n’est parvenue à Jean Carrive qu’après avoir été lue et réexpédiée par son père, comme en témoigne la lettre de ce dernier à Breton (voir ci-après).

 

Lettre de Félix Carrive à Adolphe Carrive, Paris, le 10 septembre 1925

Papier à en-tête du Ministère de la Justice, Cabinet du Garde des Sceaux, 13 place Vendôme.
Cette lettre de l’oncle du jeune homme répond à une démarche de son père, qui a cherché à faciliter le départ de son fils à Paris, en sollicitant pour lui un poste dans l’administration. La divulgation du tract La Révolution d’abord et toujours ! coupe court à cette éventualité.
Félix Carrive justifie son abstention à soutenir cette demande, en sa qualité de fonctionnaire, dit-il, et spécialement dans ses fonctions actuelles au ministère de la Justice. Il argumente en incriminant les prises de positions surréalistes, avec preuves à l’appui :

« Ci-joint le factum en question, le premier mouvement est d’en rire ; ce qui me navre c’est sa puérilité orgueilleuse et prétentieuse ; qu’un gosse de 19 ans signe cela, passe encore, mais des gens plus âgés ! »

Et il poursuit, laissant entendre les conséquences possibles pour Jean Carrive de sa signature :

« Ce factum n’a donc rien de bien grave et nous ne comptons pas le poursuivre. Mais il faut que ton fils comprenne qu’il peut entraîner pour lui de graves conséquences : impossibilité d’entrer dans une administration publique. Et il sera bien avancé si, à son entrée au régiment, il est noté comme antimilitariste ! Tu devines les suites possibles. »

Vient in fine une ultime et ironique remarque, suscitée par « une affiche collée à profusion sur les murs [de Paris] dans laquelle un Comité d’Extrême Gauche conviait les Parisiens à un meeting sur ‘l’enfer Bessarabien’ ». Il y est fait allusion à la protestation auprès du gouvernement roumain de « l’élite intellectuelle française » portant diverses signatures dont celle de Jean Carrive « au milieu d’autres surréalistes[6]».
Cette mise en garde, ferme et ironique, déclenche de la part d’Adolphe Carrive, le père de Jean, une lettre à André Breton.

 

Lettre d’Adolphe Carrive à André Breton [date entre le 10 et 30 septembre]

Cette lettre, conséquence immédiate de la précédente, débute ainsi :

« Monsieur, Il arrive à mon fils Jean Carrive – par le fait du Surréalisme et de vos manifestes quelque chose d’assez désagréable ». Le « manifeste où il est dit entre autres choses que la France n’existe pas » – soit La révolution d’abord et toujours ! – est immédiatement incriminé pour ses conséquences néfastes dans les démarches entreprises pour faciliter le départ à Paris du fils.

Le scripteur nuance ensuite son attaque : « Vous m’attirez sans que j’ose espérer parvenir à l’intelligence de votre difficile doctrine » et passe outre à ces réserves : « je ne cherchai pas à détourner le mouvement de sympathie et d’admiration qui le poussait vers vous. Lorsque son nom parut au bas de votre premier manifeste je n’y vis nul inconvénient. »
Le père reconnaît n’avoir exercé aucun contrôle sur le contenu des manifestes signés ensuite par le fils : « Je sus le fait de leur signature, j’ignorais la teneur des dits manifestes. » Revenant à la formule incriminée dans le tract : « La France n’existe pas », le père fait objection à la signature extorquée à son fils : « Je suis sûr que si le manifeste eût, avant parution, été soumis à son approbation, il eût fait des réserves. Sa conviction sur le point que vous tranchez d’une formule très péremptoire n’est pas faite. Je suis sûr que le manifeste ne correspond pas à sa pensée réelle. » La référence à la carte d’André Breton (citée plus haut) fait preuve : « D’après une carte postale de vous restée en souffrance à Bordeaux et que je lus avant de la lui ré-adresser, il apparaît manifestement qu’il avait fait des restrictions et que vous avez passé outre. S’il est trop fier pour se désavouer, après vous avoir il y a un an donné par avance le droit d’user de sa signature, il est de mon devoir de vous instruire de sa pensée réelle. »
D’où la requête du père « de bien vouloir à l’avenir rayer le nom de mon fils des manifestes que vous publierez. »
Cette demande argumentée portant sur l’avenir se termine par un appel à la compréhension affective, liée à la situation immédiate et à la santé précaire de Jean :

« Cette lettre, Monsieur, est complétement ignorée de mon fils. Il est en ce moment fort malade. Fièvre de 39°8 qui ne lui laisse pas de répit, prostration et abattement qui paraissent le prélude d’une maladie longue. » Il ajoute, respectant le lien personnel de son fils à Breton : « je vous prierai, si vous lui écriviez, avant sa guérison – d’ici quelques semaines sans doute – de ne faire aucune allusion à ma démarche […] ».

Cette lettre, tout en marquant une limite vis-à-vis des injonctions du Surréalisme, laisse entendre le souci d’apaisement du père vis-à-vis d’André Breton.

 

Lettre d’André Breton à Adolphe Carrive, Paris, le 30 septembre 1925

Ne pouvant ignorer le ton pressant de sa carte postale citée plus haut, André Breton défend d’abord l’action surréaliste : « Il n’a jamais été dans mes intentions d’entraîner Jean Carrive à une action extra-littéraire et à plus forte raison contre son gré. Cette action a toujours été contenue implicitement dans la généralité de la nôtre. » Il défend « la qualification » du jeune homme à faire des choix, lui « qui, bien que mineur, [lui] paraît aussi capable que quiconque de ne pas se méprendre sur ses propres sentiments. »
Ces principes réaffirmés, il rassure le père : « il en sera fait selon votre désir, jusqu’au jour du moins où Jean Carrive insistera auprès de nous de la façon la plus catégorique pour qu’il en soit autrement. Soyez certain que nous n’exercerons sur lui aucune pression en aucun cas. »
Il forme enfin « des vœux très profondément sincères pour la guérison de [son] jeune et charmant ami. »
C’est sur cet appel à l’apaisement du débat, que se clôt l’échange – le père représentant l’institution familiale, le surréaliste l’institution littéraire.  Pour des raisons de circonstances comme de principe, Jean Carrive est l’exclu du moment.

 

En guise de conclusion

Conformément à son engagement, André Breton supprime la signature de Jean Carrive, quand il publie, de façon discrète, en dernières pages de sa revue (n°5, 15 octobre 1925, p.31-32), La Révolution d’abord et toujours !
Cet épisode épistolaire s’est joué en deux temps. Aux lettres exaltées du jeune homme à Desnos, restées dans la sphère privée, succèdent les échanges entre adultes détenteurs de l’autorité, selon la loi sociale pour le père, selon l’autorité morale pour Breton. Dans ce second épisode, Desnos s’est retiré de la communication, Breton assumant les implications politiques de la révolution surréaliste.

 

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Bibliographie

Archives du surréalisme n°2, Vers l’action politique, De La Révolution, d’abord et toujours ! (juillet 1925) au projet de La Guerre civile (avril 1926), présenté et annoté par Marguerite Bonnet, Gallimard, 1988.

André Breton, Paul Eluard, Correspondance 1919-1938, présentée et éditée par Etienne-Alain Hubert, Gallimard, 2019.

Tracts surréalistes et déclarations collectives, 1922-1939, textes réunis et présentés par José Pierre, tome 1, Éditions Le Terrain vague, 1980.

La Révolution surréaliste, collection complète, Éditions Jean-Michel Place, 1975.

L’Étoile de mer, Cahiers Robert Desnos n.s. n°9, Jean Carrive, André Breton, Robert Desnos, Pierre Picon et Simone Kahn, 1923.

 

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Notes

[1] Ces documents inédits proviennent de photocopies, faites en 1963, grâce à l’aimable autorisation de Charlotte Carrive et Youki Desnos. Ils ont été dispersés en vente publique en 2016 et 2017. Voir L’Étoile de mer, ns, n°9, p.10.

[2] Pour les incidents qui marquèrent le banquet Saint-Pol-Roux à La Closerie des Lilas, le 2 juillet 1925, consulter les documents et leurs commentaires dans Tracts surréalistes, tome 1, p.41-50, p.53-54, et 389-397. Tracts ensuite.

[3] Ibid.

[4]Pour analyser en détail ces textes et ces événements, qui sont marqués par la violence du verbe et du geste, les commentaires de Marguerite Bonnet en particulier dans Tracts restent indispensables. Et Archives du surréalisme, Vers l’action politique, présenté et annoté par Marguerite Bonnet.

[5] L’élaboration de cette déclaration, issue de la collaboration de divers groupes dont essentiellement les surréalistes et les membres de la revue Clarté, a suscité pour trouver sa formulation définitive bien des tractations et des mises au point qui se sont poursuivies en juillet et août à Paris. Parmi les problèmes à résoudre, celui des signataires à faire figurer sur ce document destiné à la publication est sujet à hésitation et parfois à rétractation. Consulter Tracts, p.54-56 et 398-401 ainsi que la correspondance Eluard-Breton présentée par Étienne-Alain Hubert, qui apporte les plus précieuses informations sur ces difficultés en juillet-août 1925.

[6] Il s’agit de la Lettre ouverte aux Autorités roumaines, publiée par L’Humanité le 28 août 1925, qui dénonce le passage imminent en cour martiale de «386 paysans et paysannes accusés d’avoir participé au soulèvement de la Bessarabie méridionale au mois de septembre 1924 ainsi que du [Manifeste des intellectuels]", documents portant la signature de Jean Carrive. Consulter Tracts p.57-60 et 401-403.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lettre de Jean Carrive à ANdré Breton, 16 juin 1925, recto.
Lettre de Jean Carrive à André Breton, 16 juin 1925, verso.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lettre de Félix Carrive à Adolphe Carrive, 10 septembre 1925, recto
Lettre de Felix Carrive à Adlophe Carrive, 10 septembre 1925, verso.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lettre d'Adolphe Carrive à André Breton, septembre 1925, recto
Lettre d'Adolphe Carrive à André Breton, septembre 1925, verso.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lettre d'André Breton à Adolphe Carrive, 30 septembre 1925, recto.
Lettre d'André Breton à Adolphe Carrive, 30 septembre 1925, verso.